Cherchez l’erreur, vous trouverez le succès
Par COMPASS LABEL (@compasslabel)
L’imperfection est une valeur sous-estimée, affirmions-nous dans notre Boussole #2, évoquant le besoin d’y prendre goût pour améliorer la créativité, la productivité, et augmenter la confiance des managers envers leurs collaborateurs et vice-versa. Élargissons cette réflexion aux champs de l’erreur et de l’échec, souvent conspués dans la culture française.
L’erreur et l’échec sont tout autant dévalorisés que sont louées, a contrario, la réussite et son corolaire l’ambition. Ambition que certains ne manquent cependant pas d’associer régulièrement à de l’opportunisme au mauvais sens du terme. Faut-il se méfier de l’ambition ? Toute réussite dans un monde professionnel de plus en plus complexe suppose une ambition même modeste, pour parvenir à ses fins, trouver une forme d’équilibre, si ce n’est d’épanouissement. Mais l’ambition peut être néfaste si elle s’inscrit exclusivement dans un rapport de rivalité.
Pourquoi tendons-nous en France à systématiquement opposer ambition et erreur ? Bien sûr, l’échec ou l’erreur peuvent constituer des grains de sel venant se glisser dans les rouages de l’ambition. Pourtant, en se retournant sur son propre parcours, il est fort probable que chacun retrouve le souvenir enfoui d’une erreur, d’un échec qui a conduit à un ré-aiguillage, une réorientation, ou à un dénouement positif, témoignant de notre capacité à nous adapter à une situation inconfortable, hostile ou inattendue. Car c’est d’abord hors de sa zone de confort que chaque individu trouve les ressources lui permettant de progresser réellement, plutôt que dans l’enchaînement de petits succès. La contrainte réveille l’imagination. Certes, l’échec nous renvoie à nos peurs et colères, et peut mettre en difficulté ceux qui se laissent déborder par le sentiment de frustration qu’il fait naître. C’est à eux que nous devons apprendre à transformer leur aversion pour l’erreur en dynamique positive. Rappelons-leur pour cela l’histoire de Ken Mattingly, l’homme qui ne s’envola pas vers la lune.
Mattingly, astronaute américain des plus talentueux de la NASA, était censé prendre part à la mission lunaire Apollo 13 en avril 1970. Est-ce parce qu’il était plus réservé, et semblait montrer un peu moins d’ambition que les autres membres de l’équipage que la NASA lui a imposé deux jours avant le décollage de rester sur terre, avançant un risque de développement de la rougeole (maladie qu’il ne contracta jamais) pendant la mission ? L’histoire ne le dit pas. Mais suite aux extrêmes complications intervenues durant le voyage vers la Lune, mettant en péril la vie des membres de l’équipage, c’est de la terre que Ken Mattingly accomplit un des plus grands exploits de l’histoire de la conquête spatiale en prenant la direction de l’opération de sauvetage et en trouvant la solution scientifique qui permit à ses coéquipiers de rentrer en vie.
Actons que chacun d’entre nous a le droit de se tromper, de ne pas nourrir l’ambition de réussite déraisonnée que la pression sociale persistante nous impose, que cela peut même s’avérer productif, et que le cheminement, aussi sinueux soit-il, est plus enrichissant que l’aboutissement, la performance à tout prix, voire la pure production dénuée de sens.
Un comportement professionnel guidé par la seule poursuite d’une ambition démesurée ne produit que rarement une valeur ajoutée hors du commun. L’une des principales causes d’échec de start-up prometteuses est d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre, d’avoir réussi des levées des fonds vertigineuses et de s’être imposé un rythme de croissance ahurissant avant même d’avoir pensé au sens, aux objectifs poursuivis, à leur raison d’être. Prendre le temps de cheminer, c’est-à-dire de tracer avec discernement la route que l’on souhaite parcourir, c’est également prendre le temps de l’introspection, condition essentielle à l’ouverture, à la curiosité et l’empathie envers les autres, valeurs sans lesquelles aucun travail d’équipe de long terme ni aucune poursuite d’un bien commun ne sont possibles.
Winston Churchill, qui fut incontestablement un grand meneur d’hommes, chef de guerre et homme d’Etat ayant infléchi le cours de l’histoire, affirmait : « Commettre une erreur grave peut vous être plus utile que la décision la mieux pesée ». Allons-même plus loin en affirmant que si vous n’avez pas commis d’erreur, c’est que vous n’avez rien fait.