Catégorie : Boussole

Boussole #12 – Millennials : faire les bons paris

Attentes professionnelles et compétences des Millennials : dépasser les idées reçues, faire les bons paris

Par COMPASS LABEL – (@compasslabel)

Comment recruter, intégrer, conserver des Millennials au sein d’une organisation ? Comment favoriser leur motivation, leur développement professionnel et leur épanouissement? La pandémie de Covid-19 et ses conséquences ont renforcé l’acuité de cette question pour les recruteurs et les responsables des ressources humaines. Si elle a ouvert le champ des possibles et en partie modifié les schémas traditionnels notamment en termes d’organisation du travail, elle a également conduit à la réaffirmation de certains fondamentaux. Les principaux enseignements que l’on peut tirer de cette crise montrent qu’il faut avant tout se méfier des idées reçues.

X« Le bureau est un lieu dépassé pour les moins de 35 ans »

En entraînant partout dans le monde une généralisation du télétravail, la pandémie de Covid-19 a permis d’interroger le rapport des différentes générations de salariés à leur lieu de travail. Un sondage Odoxa publié en mars 2021 montre que moins de quatre télétravailleurs sur dix jugent que le travail à distance est moins efficace que le présentiel, mais que 60% des jeunes de 18 à 24 ans vivent mal cette expérience. Autrement dit, les Millennials sont loin d’attendre de leur entreprise du tout numérique. Dans une enquête produite par la société américaine spécialisée en conseil d’entreprise JLL en octobre 2020, 64% d’entre eux ont estimé que leur bureau leur avait manqué. Les attentes de flexibilité associées à la génération des Millennials ne se traduisent pas par le rejet du lieu physique dédié à l’activité professionnelle, au contraire.

La génération des Millennials est bien davantage la génération Coworking, pour reprendre l’analyse d’Elsa Guippe sur la conjonction entre leur arrivée sur le marché du travail et l’avènement des espaces de coworking stylisés, ludiques, spacieux et inspirants, que la génération Home Working. Ce sont les modèles hybrides, et non le 100% télétravail, qui permettent d’offrir aux Millennials à la fois de la souplesse dans leur organisation et des lieux physiques où construire leurs relations professionnelles et amicales. Le bureau reste un lieu central pour ces dernières comme l’a notamment mesurée une enquête sur le bien-être et les phénomènes de burn-out durant la pandémie de Covid-19 dirigée par Jennifer Moss. Il ne joue pas seulement un rôle clé dans la circulation d’information et le management informel. Il est également déterminant pour faire naître de la cohésion d’équipe et un sentiment d’appartenance pour cette génération en quête de sens dans son engagement professionnel. Alors que l’enquête conduite par Jennifer Moss montre que les Millennials ont les niveaux d’épuisement professionnel les plus élevés, liés à leurs plus faibles marges de manœuvre et ancienneté professionnelles, à des facteurs de stress financier et, surtout, à un sentiment de solitude, le bureau participe de leur bien-être professionnel. Il contribue, enfin, à la séparation entre vie privée et vie professionnelle à laquelle les Millennials sont particulièrement attachés (ils sont 88% à juger une frontière entre les deux indispensable).

X« La génération des Millennials privilégie les compétences numériques »

Alors qu’ils font partie des premiers digital native, les 18-34 ans misent moins que les autres générations d’employés sur les compétences numériques. Lorsqu’on les interroge sur les compétences à leurs yeux les plus importantes pour l’avenir du travail, 31% citent en priorité les compétences émotionnelles et sociales, alors que les 35-49 ans et les plus de 50 ans privilégient davantage les compétences numériques, selon un rapport publié en juin 2019 par l’Université technologique de Swinburne (sur la base d’une enquête réalisée en novembre 2018 auprès de 1 031 actifs australiens). Toujours d’après cette étude, plus une entreprise est tournée vers le secteur des nouvelles technologies, plus ses salariés ont tendance à valoriser les aptitudes sociales.

La génération des Millennnials a, autrement dit, davantage conscience que celles qui l’ont précédée à l’entrée sur le marché du travail, de l’importance de la maîtrise des compétences émotionnelles et sociales. Les capacités d’expertise, notamment dans la conduite des transformations numériques, sont certes nécessaires, mais la capacité à s’adapter à tout environnement numérique est quant à elle déterminante, d’autant plus dans une époque d’innovation numérique spectaculaire. Les difficultés rencontrées par des salariés, quelle que soit leur position au sein d’une organisation, pour participer de façon adaptée à des réunions en distanciel, et alors même que certaines compétences attendues pour garantir cette participation peuvent paraître basiques (par exemple en connectique), ne constituent pas seulement de possibles sujets d’anecdotes prêtant à sourire. Elles disent toute l’importance des compétences sociales et tout ce que ces compétences n’ont pas d’évident. Elles disent aussi l’importance non seulement de produire des innovations, mais également de former ses équipes à maîtriser les innovations, des plus basiques aux plus complexes.

X« Les compétences académiques des Millennials et les attentes du monde professionnel se rencontrent mal »

Les étudiantes et étudiants n’acquièrent pas simplement dans l’enseignement supérieur de puissantes capacités d’expertise. Elles et ils renforcent également leurs compétences non académiques. Une enquête conduite par des économistes australiens publiée en 2018 a mesuré le rôle des universités dans l’amélioration des compétences comportementales des étudiants. Sur les cinq compétences comportementales clés identifiées dans l’étude (à savoir la stabilité émotionnelle, l’ouverture à l’expérience, la rigueur, l’extraversion et l’amabilité), les deux dernières sont fortement renforcées par l’expérience universitaire, indépendamment du cursus académique suivi. Par ailleurs, si deux des six critères du classement QS des meilleures universités mondiales (QS World University Rankings) sont relatifs à l’ouverture internationale des universités (pourcentage des enseignants-chercheurs et pourcentage des étudiants étrangers), c’est parce que cette ouverture renforce chez les étudiants deux compétences comportementales essentielles dans la vie professionnelle : une conscience globale et des sensibilités internationales.

Contrairement aux idées reçues, les compétences nécessaires pour réussir à l’université et celles nécessaires pour réussir dans le monde du travail d’aujourd’hui et de demain présentent beaucoup de similitudes. Les universités relèvent chaque jour un défi majeur : apprendre à chaque génération à apprendre, désapprendre, réapprendre, s’adapter face à un futur de plus en plus incertain, être curieux. Faire en sorte, autrement dit, qu’elle soit à même, demain, de transformer le futur du travail et non de se laisser transformer par lui. Or ce défi, c’est celui du monde du travail à l’horizon 2025 : dans son rapport « The Future of Jobs » 2020, le Forum Economique Mondial souligne que parmi les quinze compétences clés identifiées par les employeurs pour 2025, les compétences comportementales tiennent une place majeure (créativité, originalité et initiative, intelligence émotionnelle, résilience, tolérance au stress et flexibilité, …).

X« Choisir le candidat parfait, c’est faire le bon choix »  

Terminons sur une mauvaise nouvelle : le candidat parfait n’existe pas. Il n’existe même doublement pas : ni au moment de son recrutement, ni lors de son parcours dans l’organisation.

S’agissant du moment du recrutement, Anthony Hopkins a livré dans La Faille (film réalisé en 2007 par Gregory Hoblit)une des plus percutantes métaphores cinématographique de cette réalité : vous pouvez trier plusieurs centaines d’œufs, il y aura une imperfection sur la coquille de chacun d’entre eux. C’est par conséquent non pas un aboutissement, mais un potentiel qu’il s’agit d’estimer : la curiosité, l’engagement, la détermination, la motivation, la confiance en soi, l’intelligence émotionnelle. Une expertise technique peut être dépassée ; la curiosité intellectuelle et la capacité d’adaptation non seulement ne le sont jamais, mais elles sont de plus indispensables à l’acquisition de nouvelles expertises. C’est pourquoi Rebecca Knight conseille, particulièrement dans une période d’incertitudes, d’oser faire le pari du candidat imparfait.

Quant au parcours de la nouvelle recrue dans l’organisation, son succès repose sur les mêmes qualités : la capacité de continuer à grandir et à apprendre. Alors que personne n’est à même de prévoir à quoi ressembleront dans quelques années les emplois pour lesquels on recrute aujourd’hui, et que 94% des chefs d’entreprise attendent de leurs employés qu’ils acquièrent de nouvelles compétences (contre 65% en 2018), c’est la capacité d’adaptation au changement qui est désormais centrale. Une compétence que toute organisation doit donc se donner les moyens de valoriser chez tout Millennial qu’elle accueille en son sein.

Boussole #11 – Permis de se tromper

C’est quand il est permis de se tromper qu’il est possible d’apprendre

Par COMPASS LABEL (@CompassLabel)

« Seules 10% des start-up françaises parviennent à survivre. » Pourtant, la fièvre entrepreneuriale se répand parmi toutes les générations, et nombre de projets continuent de voir le jour, parfois même après un premier, un deuxième, un troisième échec. Comment expliquer cet apparent paradoxe ?

Erreurs de jugement, mauvaises études de marché, idées saugrenues, problèmes de financement, ambition déraisonnable, gestion calamiteuse, management dysfonctionnel ou tout simplement mauvais endroit et mauvais moment… Les causes qui précipitent les jeunes entreprises vers l’échec sont potentiellement infinies et la littérature qui propose des moyens d’éviter les écueils foisonnante.

En France, incontestablement, l’échec est encore culturellement mal perçu. Dans le monde professionnel, ils sont nombreux ceux qui ignorent ce principe pédagogique essentiel : c’est quand il est permis de se tromper qu’il est possible d’apprendre. Autrement dit, les leçons d’un revers entrepreneurial peuvent faire la réussite d’une nouvelle entreprise.

Les entrepreneurs et futurs entrepreneurs gagneraient à s’inspirer de la gestion de l’échec dans le monde du sport. L’univers du sport possède en effet l’un des ratios les plus cruels et les plus aléatoires du rapport travail/expérience/chance/réussite. Cette alchimie est presque impossible à créer de manière parfaite ; même les meilleurs pronostiqueurs et les plus grands connaisseurs ne font pas fortune grâce aux paris sportifs.  Il est possible de mettre une pièce chaque week-end sur un pari combinant les victoires de Liverpool, du Real Madrid et du Paris Saint-Germain dans leurs championnats respectifs, il se trouvera trop souvent une contre-performance pour contrarier votre fortune.

C’est justement toute son imprévisibilité qui fait la magie du sport. Les meilleurs échouent parfois, les outsiders ont toujours une chance de vaincre, et les sommets conquis à nouveau après les descentes aux enfers font les victoires les plus légendaires et les plus émouvantes.

Martin Fourcade, Lindsey Vonn, Floria Gueï : ces trois sportifs qui ont su gérer les difficultés et gagner lorsqu’on les croyait perdus sont des modèles bien au-delà du monde du sport.

Martin Fourcade tout d’abord, parce qu’il a su se reconstruire mentalement, se remettre en question, et faire le choix du collectif. C’est une saveur particulière qu’ont eu les Championnats du monde de biathlon de février 2020 à Antholz, en Italie, avant que la saison soit interrompue par la pandémie de Covid 19. La saveur d’une reconquête pour un athlète quintuple champion olympique, qui collectionne les records dans sa discipline. Comment celui qui avait sombré dans son sport un an auparavant a-t-il réussi à réunir à nouveau l’énergie et le talent nécessaires pour arracher en 2020 le titre de champion du monde de l’individuelle et celui du relai masculin ? En premier lieu, en travaillant son mental pour gagner en sérénité et accepter les difficultés afin de mieux les gérer. Psychologiquement épuisé la saison précédente, Martin Fourcade perdait ses sensations sur les skis, craquait au tir par manque de confiance en lui, et ne semblait plus éprouver aucun plaisir en compétition. En retrouvant son mental, il a retrouvé son niveau. Ensuite, en acceptant de réinterroger tous ses choix sportifs avec le staff de l’équipe de France, notamment sa stratégie de tir, ce qui était loin d’être une évidence pour un immense champion. Enfin, le biathlète s’est montré plus attentif au collectif et a donc bénéficié, dans un cercle vertueux, des excellentes performances de ses co-équipiers de l’équipe de France.

Lindsey Vonn, ensuite, championne américaine de ski alpin, qui fut sans conteste la reine de sa discipline. C’est sans doute parce que sa carrière a côtoyé les plus hautes cimes comme les plus profonds abysses qu’elle lui a permis de faire tomber tant de records. La championne olympique de descente était prête, à chaque course, à tout risquer pour gagner. C’est-à-dire y compris à risquer de tout perdre car à 130km/h sur des pentes verglacées, les chutes ne pardonnent pas. Lindsey Vonn est probablement l’une des skieuses qui s’est le plus blessée durant sa carrière. Son retour en force le plus spectaculaire est celui qui a suivi sa terrible chute en février 2013 sur le super-G de Schladming en Autriche, qui lui avait valu d’être évacuée de la piste par hélicoptère. Alors qu’elle donnait tout pour revenir et participer aux Jeux olympiques de Sotchi à peine un an plus tard, elle dut faire face à deux autres chutes qui mirent fin à ce rêve. Pourtant, elle n’abandonna pas et renoua avec la victoire dès le mois de décembre 2014. La méthode Vonn, c’est une opiniâtreté sans faille dans la rééducation, des heures d’exercices fastidieux loin de l’adrénaline de la neige, l’acceptation de la douleur et de la difficulté, et un travail mental suffisant pour ne jamais laisser la peur l’emporter au moment de franchir le portique. Autant de leçons dont les entrepreneurs peuvent s’inspirer, quelle que soit leur activité.

Enfin, Floria Gueï, car elle a su aller chercher le succès malgré un mauvais départ. Lors de la finale du relai 4x400m des Championnats d’Europe d’athlétisme à Zurich en août 2014, les concurrentes russe, anglaise et ukrainienne sont largement en tête au départ du dernier tour de piste. Dernière relayeuse française, Floria Gueï est, en 4ème position, loin derrière. Les propos des commentateurs sont implacables : « Il n’y aura pas de podium pour les Françaises, parce que là, on ne revient pas. » A priori impossible de remonter un écart de 12 mètres avec le peloton de tête : à moins de 200 mètres de la ligne d’arrivée, c’est l’équivalent d’une traversée du désert. La foulée de Floria Gueï s’allonge, sa technique est parfaite, sa stratégie de course ajustée, et sa détermination sans bornes. Les trois concurrentes qui se livrent un combat sans merci et s’épuisent devant elle ne la voient pas revenir de plus en plus vite. Elle rattrape la troisième, puis la deuxième, puis la première concurrente et franchit la ligne d’arrivée en première position dans un stade stupéfait. Floria Gueï a livré les leçons de sa course : « A ce moment-là, il faut que je fasse le travail. Déçue par ma course individuelle quelques jours plus tôt, j’avais envie de bien faire pour le collectif. J’étais lucide et concentrée. » Autrement dit, même lorsqu’il fait face à de grandes difficultés, un entrepreneur doit garder la clarté d’esprit d’avoir en ligne de mire la réussite.

C’est parce que les athlètes accomplissent parfois l’impossible, et ceci de manière tout à fait rationnelle, qu’il est intéressant de s’en inspirer.

Boussole #10 – « L’innovation c’est fragile, c’est dur, c’est méchant. »

« L’innovation c’est fragile, c’est dur, c’est méchant. »

Par Agathe Cagé (@AgatheCage)

« Attention, citation » prévient Thierry Marx devant trois cents élèves de Sciences Po aussi prompts à prendre leur stylo que le chef l’est à se mettre derrière les fourneaux. La phrase claque : « L’innovation c’est fragile, c’est dur, c’est méchant ».

Drôle de mise en bouche proposée mercredi 12 février au soir à une jeunesse dont une partie ambitionne de devenir l’élite de la « start-up Nation ». L’introduction a peut-être laissé à certains un goût doux-amer. N’ont-ils pas entendu, en juin 2017, le Président de la République présenter la France comme « la nation leader de [l’]économie de l’hyper-innovation », prête à « gagner sur les nouvelles frontières du 21èmesiècle » ? Un discours d’Emmanuel Macron alors plein de positivité et loin de leur promettre du sang et des larmes.

Fragile, dur et méchant : c’est pourtant un constat lucide, et non une sombre prophétie, que Thierry Marx a présenté sur l’innovation. Qui se rêve innovateur doit savoir dans quoi il s’engage. Un étudiant porteur d’une telle ambition peut se référer utilement à l’étymologie en moyen français du mot innovation, à savoir l’« action d’introduire une chose nouvelle ». Un appel, autrement dit, à l’humilité devant la difficulté et l’ampleur de la tâche.

Car introduire une chose nouvelle est à la fois faire un grand pas pour soi-même, et un tout petit pas dans la course effrénée aux innovations. C’est une réalité dont le compte Instagram @unecessaryinventions, dont le propriétaire « développe des produits pour des problèmes qui n’existent pas », se moque gentiment. C’est une réalité dont ont conscience également les centaines de candidats annuels au concours Lepine. Mais c’est une réalité qui se situe parfois bien loin pour de jeunes étudiants se rêvant futurs champions de la « start-up Nation ».

L’innovation est fragile car rien ne garantit, a priori et quelle que soit l’énergie mise dans la démarche, que la chose nouvelle soit dans un premier temps une réponse pertinente à un besoin existant, et reste à plus long terme la meilleure des réponses à ce besoin.

Pourquoi est-ce également juste de souligner la dureté de l’innovation ? D’abord parce que l’introduction d’une chose nouvelle n’a rien d’aisé. C’est d’ailleurs l’une des principales limites que rencontrent ceux qui pensent qu’il suffit de trouver un nouveau secteur à ubériser pour renverser la table. Si la plateformisation de plusieurs secteurs de l’économie a su faire naître de nouveaux besoins et répondre à des aspirations chez les consommateurs, cela est loin de vouloir dire qu’il s’agit d’un modèle pertinent et rentable pour tous les autres. C’est plutôt facile de trouver des sources d’inspiration ; beaucoup moins de découvrir un filon inexploré d’innovation. Par ailleurs, la marche à franchir est haute entre l’introduction commerciale d’une innovation et le succès économique. La liste des startups n’ayant pas réussi à faire la preuve de la rentabilité de leur modèle est longue.

Peut-être est-ce finalement le qualificatif « méchant » qui pourrait être le plus contesté. Et pourtant… La starisation d’un Bill Gates ou d’un Steeve Jobs est un reflet fortement déformé de la réalité des parcours des innovateurs. Ces derniers sont rarement accueillis à bras ouverts, que les premières réactions soient hostiles ou guidées par la jalousie. Facebook s’est beaucoup amusé en 2014 d’une étude de l’université de Princeton prédisant la perte de 80% de ses utilisateurs en 2017. Thierry Marx semble lui-aussi savourer lorsqu’il rappelle les critiques sous forme d’uppercuts qu’ont suscités ses premiers pas dans la gastronomie moléculaire. Mais leur détachement apparent vis-à-vis des critiques est nourri de leur succès. Thierry Marx, autrement dit, a longtemps ressenti la dureté des coups qui lui ont été portés. Si sa réussite lui a permis de les digérer, il n’en reste pas moins qu’il a dû à une époque les encaisser.

Pour surmonter ces obstacles, les apprentis innovateurs doivent se poser, avant toute autre chose, la question du « pourquoi » de leur innovation (comme l’a théorisé le britannique Simon Sinek). C’est en effet par le sens de son action ou de sa création, et non par le comment ou les moyens, que l’innovateur suscite inspiration et adhésion. Ce n’est pas forcément une garantie de succès, mais toujours une première protection contre le risque d’échec.

 

Boussole #9 – Manager : l’exemple par le foot

Manager : l’exemple par le foot

Par COMPASS LABEL (@compasslabel)

Le management est une mission qui s’est depuis quelques années relativement complexifiée. Les bouleversements engendrés par l’irruption des technologies numériques dans tous nos rapports sociaux et professionnels ont contribué à faciliter tout en rendant plus délicate la tâche des managers et les relations avec leurs équipes. Il est même de plus en plus fréquent de constater une véritable déconnexion entre managers et collaborateurs, due notamment à une accélération des délais attendus de production et de réaction qui a conduit les managers à modifier leurs habitudes de travail et de communication avec leurs équipes. La multiplication d’obligations, de sollicitations, de responsabilités et de réunions rend la tâche des managers de plus en plus difficile en raison de toutes les activités chronophages qui les accaparent. Dans le cadre d’une relation de confiance, la communication se limite alors essentiellement à un contrôle ponctuel de la réalisation des tâches demandées et du bon déroulement des choses. Dans le cadre d’une relation de défiance, le manager finit par pressurer ses collaborateurs ou ne plus déléguer assez, créant ainsi un cercle vicieux au sein duquel il se retrouve toujours davantage submergé de travail, au lieu de prendre le temps de faire le point sur les forces et les faiblesses de chacun des membres de son équipe, et de donner du sens, un élan et une motivation supplémentaires à leur travail.

Mettons en perspective ces difficultés avec celles qui peuvent être rencontrées dans un des postes de management le moins évident à occuper : celui d’entraîneur de football à la tête d’une équipe professionnelle.

Pour emporter de belles victoires, chaque joueur doit à titre individuel mouiller le maillot et montrer toute l’étendue de son génie, de son intelligence collective et de sa lecture du jeu. Le manager, lui, doit combiner toutes ces qualités, mais pour 23 personnes. Et doit surtout trouver le bon équilibre entre et la rigueur que requiert la pratique du sport de haut niveau et de la compétition, et le dialogue avec ses joueurs, afin de ne pas froisser les égos et de maintenir motivation et ambiance positive dans le vestiaire.

Prenons l’exemple de nos sélectionneurs de l’équipe de France de football. Didier Deschamps s’est révélé être un génie de l’intelligence collective en constituant pour la Coupe du Monde 2018 avec habilité un groupe où chaque joueur avait sa place et un rôle déterminés, et une volonté de donner son maximum pour les autres avant de penser à soi-même (défi d’autant plus relevé que la composition de l’équipe faisait la part belle à des superstars jouant dans les plus grands clubs d’Europe). La différence d’attitude d’un joueur tel que Kylian Mbappé lorsqu’il porte le maillot des Bleus ou celui de son club le Paris Saint-Germain est édifiante. Et le secret d’un management équilibré va au-delà du terrain dans ce cas précis.

En effet, c’est notamment dans la gestion de crise que le manager peut faire la différence. L’anecdote de l’incident de l’extincteur – déclenché volontairement par les joueurs – survenu à l’hôtel qui accueillait en Russie l’équipe de France masculine pendant le Mondial est en ce sens intéressante. Le sélectionneur, descendu lui aussi de sa chambre pour cause d’évacuation de l’hôtel, a fait le choix de ne pas aller sanctionner ses joueurs, mais par sa simple présence au loin et un regard appuyé, de leur faire comprendre que leur geste ne correspondait pas au professionnalisme et au respect que l’on peut attendre d’athlètes professionnels.

Quant à Corinne Diacre, il n’est pas étonnant qu’elle ait été confirmée à son poste comme sélectionneure de l’équipe de France suite à la Coupe du monde de 2019. Il semblerait en effet que celle qui est parfois présentée comme une coach particulièrement stricte, au regard bleu acier sévère, sache faire preuve d’une subtile alchimie entre écoute et fermeté. Une fois passé le délicat épisode de mise au point par médias interposés sur le positionnement latéral d’Eugénie le Sommer pendant le Mondial, Corinne Diacre a déclaré dès la fin de l’été vouloir être plus à l’écoute de ses joueuses. Elle a donc notamment accepté de faire jouer Amel Majri, à la demande de cette dernière, en position plus offensive. S’en sont suivis de spectaculaires buts de la numéro 10 de l’équipe de France en phase qualificative pour l’Euro 2021. On peut également souligner que ses choix de coaching en cours de jeu pendant le mondial se sont souvent avérés décisifs. Quant à l’enthousiasme du grand public et des médias pour cette compétition, il n’est pas totalement déconnecté de la dimension attachante du groupe que Corinne Diacre, qui a fait du vivre ensemble une priorité pour son équipe, a constitué.

Le sport, et notamment les sports collectifs, constitue une source d’inspiration vaste et pertinente pour l’amélioration des techniques de management, dans un contexte de forte pression, d’objectifs élevés, de dépassement de soi, de gestion de l’échec et d’intelligence collective. Il serait utile pour les managers de s’en inspirer.

BOUSSOLE #8 – Sommes-nous encore capables d’inventer ?

Sommes-nous encore capables d’inventer ? 

Par Agathe Cagé (@AgatheCage)COMPASS LABEL

Nous sommes àl’heure où la 5G nous promet une révolution de la chirurgie comme de l’automobilité. À l’heure où l’intelligence artificielle et les traitements inédits des données qu’elle permet ouvrent pour la santé, la protection de l’environnement, la banque…, des voies jusque là non explorées. À celle qui voit les blockchains transformer en profondeur l’ensemble des relations contractuelles, et donc humaines. Nous percevons au quotidien l’impact de ces changements, sans toutefois toujours en saisir les implications à long terme. Mais nous prenons rarement le temps de nous poser une question pourtant fondamentale : emportés dans une course que nous semblons vouloir sans fin aux innovations, sommes-nous encore capables d’inventer ?

Sur la longueur, le film Ad Astra de James Gray, dédié à la quête par un homme d’un sens à sa vie à travers le prisme de l’exploration spatiale, ennuiera sans doute autant de spectateurs qu’il en comblera. Sa première demi-heure vaut cependant le détour pour tous. Car le réalisateur new-yorkais nous y emmène sur une Lune habitée par l’homme. Et, mis à part le gris prédominant dans son atmosphère, tout y est semblable à la Terre. Ou, plus exactement, tout y est semblable au pire de ce que l’homme a fait de la Terre : sur-marchandisation du voyage, atterrissage dans un centre commercial automatisé, marchés captés par des grandes chaînes mondialisées en manque d’identité, travailleur éloigné malgré lui de sa famille, conflits pour la possession des ressources…

Vous pensez que le paysage lunaire de James Gray manque d’audace ? Mais êtes-vous vraiment sûr que, dans quelques années, le retour d’astronautes sur la Lune et l’établissement d’une première base lunaire conduiraient à une réalité différente ? Nous partageons sans doute quelques certitudes : les véhicules lunaires ne se déplaceront pas au pétrole et l’état de santé de ceux qui s’installeront sur le satellite de la Terre sera suivi à distance en temps réel avec la plus grande précision. Saurons-nous, au-delà, inventer de nouvelles références, de nouveaux modèles pour cette planète qui s’offrira à nous ? Avons-nous encore assez d’imagination pour penser un territoire sans frontières et sans revendications de souveraineté ? Pour, plutôt que de chercher à nous emparer de nouvelles ressources, les considérer dès le premier instant comme des biens communs ? Pour proposer un système économique ne reposant pas sur la propriété privée ? Pour mettre de nouvelles valeurs au cœur des relations sociales ? Ou nous contenterons-nous d’une base lunaire ouverte à un tourisme de luxe et obéissant à des objectifs de rentabilité ?

Numériser, ubériser, créer des algorithmes performants, …, c’est faire preuve de créativité. Une créativité d’ailleurs parfois limitée quand les start-uppeurs ne se donnent plus comme ambition que d’appliquer à tel ou tel secteur un modèle qui a fait ses preuves dans un autre, pour les uns celui d’Uber, pour les autres celui de Netflix. La capacité créative est une mesure intéressante du dynamisme d’une économie. Elle dit toutefois peu de l’aptitude d’une société à se transformer en profondeur. La maîtrise des technologies de l’intelligence artificielle nourrit la capacité créative et, lorsque les modèles économiques ont été soigneusement conçus, également la performance. Mais quelle est la dernière innovation que vous avez rencontrée vis-à-vis de laquelle vous avez eu l’impression d’être face à une découverte ? ll y a certes les progrès scientifiques exceptionnels de ceux qui, par exemple, ont réussi à reconstituer l’image d’un trou noir aux confins de l’espace. Cependant, au-delà, nous sommes en mal d’explorateurs, de défricheurs, de briseurs de carcans. Nous ne nous surprenons même plus de n’entendre des « c’est historique » que dans la bouche de commentateurs sportifs. On peut se réjouir de la diffusion de l’esprit entrepreunarial. Mais il ne prendra vraiment sens que lorsqu’il rencontrera l’audace d’inventer.

 

 

BOUSSOLE #7 – Préférez les ideas killers aux cost killers !

Préférez les ideas killers aux cost killers !

Par COMPASS LABEL (@compasslabel)

« Le rachat de Monsanto était et est toujours une bonne idée ». Voici ce qu’a déclaré au journal Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitungen mars 2019 Werner Baumann, le PDG du groupe Bayer.

Une affirmation pour le moins étonnante au regard de la spirale vertigineuse dans laquelle cette acquisition a plongé le groupe pharmaceutique, de chute libre du cours en Bourse en coûteux procès entraînés par les révélations sur les ravages du glyphosate.

Il y a parfois des idées dont on se dit, mauvaise fois ou aveuglement mis de côté, qu’il aurait mieux valu les tuer dans l’œuf.

La course aux idées neuves est certainement ce qui permet aux plus beaux progrès conçus par l’imagination et l’intelligence humaine de voir le jour et de se matérialiser.

Mais cette course aux idées, qui n’a jamais été aussi effrénée qu’aujourd’hui, prend parfois des chemins qui la font basculer sur la pente de l’inefficacité, voire de l’erreur, ce qui, à l’heure où la maximisation de la performance est considérée comme le graal de toute croissance économique, équivaut trop souvent à un irréversible échec.

Il suffit d’observer le désarroi dans lequel le maire de Lyon, incarné par Fabrice Luchini dans le film Alice et le Maire sorti en salles début octobre, est plongé quand, après avoir passé trente ans de vie politique à imaginer de nouvelles idées, il a l’impression que son esprit tourne à vide : « J’ai toujours eu des idées. J’avais 25, 40, 50 idées par jour. Et puis je me suis réveillé un matin, je n’avais plus d’idées. »

Forcer à tout prix l’émergence continue d’idées nouvelles peut entraîner des effets néfastes au sein des organisations, user les cadres et les équipes, éloigner les entreprises de leur raison d’être, générer des diversifications hasardeuses, faire perdre une part de lucidité aux dirigeants.

(Se) contraindre à fournir trop d’idées, c’est en effet nécessairement accepter un risque élevé : celui d’en laisser passer des mauvaises diluées au milieu des bonnes. Il ne serait pas inutile de voir se développer dans les entreprises des métiers nouveaux de régulateurs d’idées. Tout comme existent les « cost killer » pourraient se multiplier les « ideas killer », des trouble-fêtes en puissance, une fonction qui nécessiterait recul, froideur, rationalité et bienveillance. Contenir les geysers d’idées, ce serait à la fois filtrer celles qui ruissellent des directions et des N+1, et endiguer le tsunami d’idées qui remontent des collaborateurs.

Les cimetières des fausses bonnes idées sont nombreux et bien remplis. Il existe même des musées qui regorgent d’échecs d’innovations et de ratés industriels. C’est le cas en Suède, pays dont la culture est pourtant davantage marquée par la tempérance et la mesure que par l’exubérance et l’excès), où la ville d’Helsinborg a longtemps abrité le Museum of failure. Ce musée des échecs présentait une collection de loupés de première classe, du Nokia N-Gage, qui à l’orée des années 2000 a tenté de combiner console de jeu vidéo et téléphone portable ou du Apple Newton, un assistant personnel, ancêtre de l’iPad, qui n’a jamais réussi à s’imposer face à une concurrence déjà bien installée. Ironie du sort, le musée a définitivement fermé, entérinant l’échec du musée des échecs.

L’actualité est aussi pleine d’idées dont on se surprend tous les jours à se demander pourquoi elles n’ont pas été tuées dans l’œuf : pourquoi s’être persuadé de conclure un partenariat public-privé ubuesque pour gérer le nouveau tribunal de Paris, ôtant ainsi toute liberté du quotidien à ses occupants, y compris lorsqu’il s’agit simplement d’installer un pupitre dans une salle de conférences, prestation facturée plusieurs centaines d’euros ? Pourquoi des entreprises star de la nouvelle économie s’échinent-elles, fiévreusement atteintes de folie des grandeurs, à trouver de nouvelles idées et financements afin de garantir une expansion précoce, explosive et titanesque jusqu’à l’absurde, quitte à faire face à des pertes colossales ? À cette aune, les difficultés rencontrées par Uber constituent un exemple intéressant. Un sommet dans le large paysage des idées absurdes fut atteint avec le scandale du Fyre festival, une gigantesque opération visant à promouvoir une application de booking de célébrités pour des événements privés lancée par un golden boy de la tech new-yorkaise. Promu en quelques heures dans le monde entier par de puissants influenceurs et présenté comme un festival de musique ultra select et luxueux aux Bahamas, le projet leva des dizaines de millions d’euros en un temps record, sans pilotage sérieux ni délais de montage réalistes, et tourna à une gigantesque arnaque flouant des milliers de participants ayant dépensé des fortunes pour un festival annulé le jour de son lancement.

Le Fyre festival fit le bonheur des internautes moqueurs, ébahis par le ridicule de la situation. Les réseaux sociaux sont d’ailleurs, à travers plusieurs comptes parodiques, un miroir intéressant de l’absurdité d’une course trop effrénée à l’innovation et aux idées. On ne peut que conseiller de jeter un œil sur Instagram à @unecessaryinventions, dont le propriétaire « développe des produits pour des problèmes qui n’existent pas ». On y trouve en vrac un parapluie pour Smartphones, d’encombrants porte-paille en plastique ou un sac à dos en forme de baguette de pain permettant de transporter sur son dos uniquement une baguette de pain.

Il faut savoir parfois admettre, avant que sa matérialisation ne soit trop avancée, qu’une idée est mauvaise. Combien de fois vous êtes-vous, membre d’une équipe, submergé de travail, écrasé comme vos collègues par les rouages de ce qui constituait initialement un projet rafraîchissant et s’est transformé en usine à gaz aux ramifications interminables, interrogé à voix haute suite à une réunion épineuse où divergences et susceptibilités se sont entrechoquées : « mais n’y avait-il pas une réunion où l’on avait tué ce projet ? ».

Cela ne signifie pas que les idées les plus audacieuses doivent susciter davantage de suspicion. Certains des plus beaux succès industriels s’apparentaient au départ à une idée risquée. Il n’était pas évident que Yamaha, dont l’activité première était la fabrication d’instruments de musique, se mette à fabriquer des motos après avoir été contrainte à fabriquer des hélices d’avion pendant la Seconde Guerre Mondiale, ou que Nokia, spécialisé initialement dans l’industrie du papier et du caoutchouc, devienne plus tard un acteur incontournable des télécommunications.

Simplement, dans les process d’idéation, peut-être faudrait-il apprendre collectivement à ralentir et à promouvoir une petite dose de minimalisme et de dépouillement. Les idées qui survivront n’en seront que meilleures.

 

BOUSSOLE #6 – 3 conseils pour bien réussir votre rentrée

3 conseils pour bien réussir votre rentrée

Par Agathe Cagé (@AgatheCage)COMPASS LABEL

La trêve estivale est terminée, c’est un fait. Vous avez remisé les tongs et la chemise hawaiienne au placard. Vous avez recommencé les conversations autour de la machine à café. Vous attendez peut-être avec impatience la sortie des premiers téléphones pliables. Mais vous ressentez indistinctement un blues de fin de vacances. Ne lui laissez pas place grâce à nos trois conseils pour une rentrée réussie.

Réussir sa rentrée, c’est tout d’abord ne pas laisser le stress s’installer. Un défi de taille en France où le culte de la performance se nourrit en partie d’une forme de survalorisation du stress (un collaborateur qui ne semble pas être sous pression ne serait-il pas au fond qu’un je-m’en-foutiste ?). Ne vous faites pas une nouvelle fois piéger par cette fausse tyrannie de la mise sous contrainte. Si vous vous savez sujet au stress, commencez par en identifier les causes (sensation d’un manque de maîtrise dans votre travail, besoin de plus d’empathie de la part de vos collègues et de vos managers…) pour remédier à chacune d’elles. Attachez-vous également à mettre à distance la sensation de pression ; tentez pour cela, pour reprendre les mots du psychiatre Michel Lejoyeux, de « faire taire la voix de la culpabilité ». Prendre conscience du fait que ce sont, comme le souligne son collègue Patrick Légeron, « nos pensées qui produisent le stress », représentera une première étape importante.

Réussir sa rentrée, c’est ensuite mieux apprendre à déléguer. Les objectifs que vous vous êtes fixés pour la fin de l’année sont sans nul doute particulièrement ambitieux. Vous ne les atteindrez pas seul, et vous ne les atteindrez pas sans augmenter votre degré de confiance dans vos collaborateurs (n’oubliez pas que le déficit de confiance des Français, ainsi que l’ont montré Pierre Cahuc et Yann Algan, entrave leurs capacités de coopération). Préférez pour cela la disponibilité à la surveillance: des échanges bienveillants et réguliers avec vos équipes les rendront bien plus efficaces qu’un contrôle nourri de méfiance permanent.

Profitez enfin de cette rentrée pour prendre pleinement conscience du sens de votre travail. Si ce dernier vous paraît manquer d’impact concret sur la société, peut-être en a-t-il un très direct et positif pour vos collègues. Si la cible que vous souhaitez atteindre vous semble si éloignée qu’elle devient pour vous source de démotivation, alors tentez de vous remotiver en optant pour la politique des petits pas. Ainsi que le soulignent les auteures de No Hard Feelings: The Secret Power of Embracing Emotions at Work (Hardcover, 2019), diviser un objectif en micro-étapes permet d’éprouver un sentiment d’accomplissement à la fin de chaque journée.

Bonne rentrée !

 

 

BOUSSOLE #5 – Osons le mode « ne pas déranger »

En mode « ne pas déranger », augmentons notre créativité

Par COMPASS LABEL (@compasslabel)

Il y a quelques mois, Apple a ajouté à l’une de ses mises à jour de l’IOS une nouvelle fonctionnalité, le « temps d’écran ». Il suffit d’aller dans les réglages de son appareil pour y avoir accès. On y trouve une multitude d’informations, de chiffres et d’infographies : temps journalier ou hebdomadaire passé sur son téléphone, progression, moyennes, répartition par type d’application (jeux, réseaux sociaux, lecture, information…) et par application, nombre d’activations, nombre de notifications… Il est même possible de définir des temps d’arrêt, de se fixer des limites d’utilisation en fonction des applications que l’on estime trop chronophages, ou de définir au contraire des autorisations systématiques.

Cette fonctionnalité est révélatrice de la préoccupation croissante des consommateurs concernant leurs usages du téléphone et des technologies digitales de manière générale. L’inquiétude des parents liée au temps d’exposition aux écrans de leurs enfants et aux troubles éventuels (de la concentration, de la sociabilité…) que cette exposition peut provoquer incite d’autant plus les grands acteurs du numérique à proposer des réponses permettant à chacun d’effectuer une sorte d’autosensibilisation pour prévenir ou lutter contre les dérives de l’addiction aux écrans.

Au-delà de la sphère privée, le phénomène s’observe également dans le monde du travail. Bon nombre de managers et de dirigeants d’entreprise tentent de limiter l’usage du téléphone dans leur organisation, considérant que qu’il serait un facteur systématique de perturbation des réunions aussi bien que de dispersion et de déconcentration, et serait donc néfaste à la performance et à la productivité des collaborateurs et donc de l’entreprise.

Certes, il est indéniable que l’abus d’utilisation des outils numériques et des smartphones en particulier peut être nocif passé une certaine limite. Mais n’a-t-on pas tort de diaboliser un outil qui s’est rendu indispensable, y compris au travail ?

Avez-vous déjà remarqué, dans une situation où vous vous êtes retrouvé privé de votre smartphone (une réunion qui s’est éternisée et durant laquelle vous n’aviez plus de batterie, une conférence complexe de début d’après-midi où son usage était interdit…), à quel point il est difficile de rester concentré ou même de lutter contre le sommeil, sans avoir le loisir de jeter, l’espace de quelques secondes, un coup d’œil à ses notifications, à un réseau social ou même tout simplement à l’heure ? De la même manière qu’un bâillement est un réflexe qui permet de réactiver notre vigilance ou au contraire de nous détendre, le smartphone nous maintient réveillé, en alerte, tout autant qu’il détourne un instant notre attention. Les effets neurologiques des notifications de notre téléphone nous stimulent. Notre rythme cardiaque, notre respiration, sont modulés par leur apparition.

Parce que les salariés sont mis toujours davantage sous pression et font l’objet d’une demande de réactivité et de productivité croissante, dans un monde du travail en accélération constante, où prévalent la tyrannie des délais et la course aux chiffres, la fatigue croissante au travail demande des temps de respiration.

Le smartphone permet également, au-delà de la stimulation de nos neurones, une évasion temporaire qui peut réveiller la créativité. Il convient bien entendu de toujours faire preuve d’un minimum de raison, car s’abrutir sur des applications de jeux pendant des heures n’apporte rien d’autre qu’une réponse temporaire à une fatigue ou un stress permettant de focaliser notre attention sur autre chose, d’échapper à nos difficultés, et n’aide en rien à la productivité ou à l’inventivité. Mais consulter les réseaux sociaux, lire un article, regarder une vidéo, écouter un morceau de musique en streaming, constitue pendant quelques minutes une fenêtre d’évasion qui peut stimuler l’imagination et donner des idées nouvelles.

Il est prouvé que les exigences de performance trop élevées nuisent fortement à la créativité. Or, la créativité est ce qui fait notre valeur dans le monde du travail, nous différencie, à compétences égales, de nos collègues, donne du sens à nos actions, à notre rôle. Forcer sa concentration pendant des heures sur un dossier ou un sujet, assis à son poste de travail ou en réunion, accumuler les heures supplémentaires, faire du présentéisme, cocher des multitudes de cases dans des to do listes interminables, remplir des agendas partagés déjà surchargés : où se situent les espaces de créativité dans tout cela ? Les idées nouvelles ne surgissent pas forcément dans ces heures dites productives assommantes, mais au contraire au cours de ces instants où l’on permet à notre cerveau de respirer. Les idées arrivent souvent aux moments les plus inattendus et dans les lieux qui pourraient sembler les moins propices, beaucoup plus facilement qu’en réunion de brainstorming par exemple, où elles ne passent en général pas le crash test de l’opinion des autres, nourrie par un fond de pessimisme, de rationalité couperet ou de concurrence malveillante.

Il n’y a jamais eu autant de créativité, d’idées, de bonnes idées et d’informations qu’aujourd’hui, dont chacun peut s’inspirer, partout dans le monde, et internet et les réseaux sociaux en regorgent à foison. Peu importe finalement que l’image ou le reflet d’un post Facebook ou Instagram que l’on prend quelques secondes ou quelques minutes à consulter, qui nous fait rêver, nous stimule ou nous fait rire, soit authentique ou fabriqué, tant qu’il provoque en nous une réaction, un avis, une inspiration ou simplement nous offre un moment de détente. Encore faut-il que l’on ne soit pas constamment parasité par les notifications d’une boucle Whatsapp, d’un message Slack, d’un mail soit disant « TTU », venant briser le fil de notre réflexion. Au-delà d’une utilisation moindre et plus raisonnée de nos smartphones au travail, peut être faudrait-il s’autoriser, quelques minutes par jour, à activer le mode « ne pas déranger » sans culpabiliser.

 

BOUSSOLE #4 – Cherchez l’erreur, vous trouverez le succès

Cherchez l’erreur, vous trouverez le succès

Par COMPASS LABEL (@compasslabel)

L’imperfection est une valeur sous-estimée, affirmions-nous dans notre Boussole #2, évoquant le besoin d’y prendre goût pour améliorer la créativité, la productivité, et augmenter la confiance des managers envers leurs collaborateurs et vice-versa. Élargissons cette réflexion aux champs de l’erreur et de l’échec, souvent conspués dans la culture française.

L’erreur et l’échec sont tout autant dévalorisés que sont louées, a contrario, la réussite et son corolaire l’ambition. Ambition que certains ne manquent cependant pas d’associer régulièrement à de l’opportunisme au mauvais sens du terme. Faut-il se méfier de l’ambition ? Toute réussite dans un monde professionnel de plus en plus complexe suppose une ambition même modeste, pour parvenir à ses fins, trouver une forme d’équilibre, si ce n’est d’épanouissement. Mais l’ambition peut être néfaste si elle s’inscrit exclusivement dans un rapport de rivalité.

Pourquoi tendons-nous en France à systématiquement opposer ambition et erreur ? Bien sûr, l’échec ou l’erreur peuvent constituer des grains de sel venant se glisser dans les rouages de l’ambition. Pourtant, en se retournant sur son propre parcours, il est fort probable que chacun retrouve le souvenir enfoui d’une erreur, d’un échec qui a conduit à un ré-aiguillage, une réorientation, ou à un dénouement positif, témoignant de notre capacité à nous adapter à une situation inconfortable, hostile ou inattendue. Car c’est d’abord hors de sa zone de confort que chaque individu trouve les ressources lui permettant de progresser réellement, plutôt que dans l’enchaînement de petits succès. La contrainte réveille l’imagination. Certes, l’échec nous renvoie à nos peurs et colères, et peut mettre en difficulté ceux qui se laissent déborder par le sentiment de frustration qu’il fait naître. C’est à eux que nous devons apprendre à transformer leur aversion pour l’erreur en dynamique positive. Rappelons-leur pour cela l’histoire de Ken Mattingly, l’homme qui ne s’envola pas vers la lune.

Mattingly, astronaute américain des plus talentueux de la NASA, était censé prendre part à la mission lunaire Apollo 13 en avril 1970. Est-ce parce qu’il était plus réservé, et semblait montrer un peu moins d’ambition que les autres membres de l’équipage que la NASA lui a imposé deux jours avant le décollage de rester sur terre, avançant un risque de développement de la rougeole (maladie qu’il ne contracta jamais) pendant la mission ? L’histoire ne le dit pas. Mais suite aux extrêmes complications intervenues durant le voyage vers la Lune, mettant en péril la vie des membres de l’équipage, c’est de la terre que Ken Mattingly accomplit un des plus grands exploits de l’histoire de la conquête spatiale en prenant la direction de l’opération de sauvetage et en trouvant la solution scientifique qui permit à ses coéquipiers de rentrer en vie.

Actons que chacun d’entre nous a le droit de se tromper, de ne pas nourrir l’ambition de réussite déraisonnée que la pression sociale persistante nous impose, que cela peut même s’avérer productif, et que le cheminement, aussi sinueux soit-il, est plus enrichissant que l’aboutissement, la performance à tout prix, voire la pure production dénuée de sens.

Un comportement professionnel guidé par la seule poursuite d’une ambition démesurée ne produit que rarement une valeur ajoutée hors du commun. L’une des principales causes d’échec de start-up prometteuses est d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre, d’avoir réussi des levées des fonds vertigineuses et de s’être imposé un rythme de croissance ahurissant avant même d’avoir pensé au sens, aux objectifs poursuivis, à leur raison d’être. Prendre le temps de cheminer, c’est-à-dire de tracer avec discernement la route que l’on souhaite parcourir, c’est également prendre le temps de l’introspection, condition essentielle à l’ouverture, à la curiosité et l’empathie envers les autres, valeurs sans lesquelles aucun travail d’équipe de long terme ni aucune poursuite d’un bien commun ne sont possibles.

Winston Churchill, qui fut incontestablement un grand meneur d’hommes, chef de guerre et homme d’Etat ayant infléchi le cours de l’histoire, affirmait : « Commettre une erreur grave peut vous être plus utile que la décision la mieux pesée ». Allons-même plus loin en affirmant que si vous n’avez pas commis d’erreur, c’est que vous n’avez rien fait.

BOUSSOLE #3 – Génération Kinder

Génération Kinder : quand le clé en main est dépassé

Par Agathe Cagé (@AgatheCage)COMPASS LABEL

L’époque est aux paradoxes. Parmi lesquels ; alors que l’accélération des rythmes de vie paraît inarrêtable, le « prêt-à » – -poster, -manger, -porter, … –, fait de moins en moins recette. Étouffant dans des journées trop courtes, nous tenons quand même à « prendre le temps » d’imprimer nos timbres avec des photos de vacance, d’ajouter nous-mêmes le contenu d’un sachet de graines dans nos yaourts, et même de décorer, dans un espace dédié en boutique, notre jean H&M avec une broderie et de coudre des écussons Totoro sur une marinière Petit Bateau, la marque à rayures ayant fait le choix dans le cadre de cette collaboration avec les studios Ghibli de vendre les deux pièces séparément plutôt qu’un vêtement déjà revisité.

Les clients n’ont pas attendu que toutes les entreprises définissent leurs raisons d’être pour se comporter en véritables parties prenantes. Derrière leur besoin de se montrer actifs, se dit un refus de n’être que de simples récepteurs des biens et des services qui leur sont proposés. C’est d’ailleurs une des limites du néologisme consomm’acteur, trop centré sur une vision dépassée de la consommation figée dans son étymologie latine (consummatio, accomplissement), celle d’un simple achèvement. Car le client n’est pas seulement acteur dans ses choix, prompt à se renseigner sur les provenances et les compositions pour faire preuve de responsabilité. Il tend de plus en plus à vouloir participer de la réalisation du bien ou du service sur lequel se porte son intérêt.

Votre client – qu’il soit citoyen-consommateur, collectivité territoriale ou client business – aime à pouvoir enrichir le choix qui lui est proposé. Qu’il vous l’ait formulé explicitement ou qu’il ne vous ait envoyé que des signes en ce sens, il demande à participer au bien ou au service qu’il achète, à avoir à entériner des options et à en éliminer d’autres, à être inclus au moment de poser le point final. Il a, en un sens, goût à l’inachèvement et à l’imperfection car elles lui permettent de contribuer à la finalisation de ce qu’il s’apprête à acquérir. Il préfère à du « clé en main » un peu trop surplombant la possibilité d’assembler à sa convenance un ensemble de briques.

Cela a d’ailleurs été le génie, il y a plus de cinquante ans maintenant, des concepteurs des Kinder Surprise. La taille trop réduite de la capsule plastique qui contient les jouets ne permet de proposer que des pièces non assemblées ; le moment de l’assemblage réjouit bien plus les enfants que celui de la possession du jouet, bien vite oublié au milieu d’une douzaine d’autres dans le coin d’une chambre.

Les analystes des principales tendances de consommation comme des transformations RH se sont sans doute trop focalisés ces dernières années sur la transformation digitale et la maîtrise des compétences numériques comme grilles de lecture des évolutions et de discrimination entre générations et comme condition indispensable pour satisfaire un besoin de rapidité, de performance, d’immédiateté et de complétude. Car qu’ils fassent partie ou non des digital natives, les clients vingtenaires, trentenaires, quadra et quinqua appartiennent aux « générations Kinder ». Ils veulent pouvoir être des protagonistes de la création du bien ou du service qui s’apprête à entrer en leur possession.

La conséquence ? L’objet ou le service que vous avez conçu et peaufiné pour qu’il soit parfait à vos yeux déçoit le client, par son aspect trop achevé. Apprenons à accepter cet autre paradoxe de l’époque. Vos clients seront d’autant plus satisfaits si la touche finale n’a pas été apposée sur votre produit, car elle sera à leur main. Si vous souhaitez que l’on vous accompagne en ce sens, contactez Compass Label.